Ker Oman : Comment le port de pêche de Lorient s'implante dans le Sultanat d'Oman

Le 14/02/2024

La criée de Lorient, connue comme le deuxième plus grand port de pêche de France et capitale de la pêche bretonne, se retrouve au centre d'une polémique opposant les pêcheurs bretons et les écologistes face à l'annonce potentielle d'importations de poissons en provenance d'Oman via son nouveau port de pêche. Coopération entre Lorient et le Sultanat d'Oman, cette initiative soulève des préoccupations quant à ses implications environnementales et socio-économiques. Dans ce cadre, nous examinerons de manière approfondie les enjeux entourant ce projet controversé ainsi que les opinions divergentes concernant sa faisabilité.

 

Contexte et motivations

Depuis octobre 2019, le port de pêche de Lorient et ses représentants ont eu l'opportunité de visiter le Sultanat d'Oman, conduisant à l'expression d'un besoin et d'une ambition de construire un complexe portuaire inspiré de l'écosystème lorientais dans la ville de Duqm. Cette initiative vise à renforcer les liens économiques entre la France et le golfe Arabo-Persique, tandis que simultanément, elle suscite des préoccupations chez certains pêcheurs bretons confrontés à une possible augmentation de la concurrence étrangère.

Plusieurs facteurs ont influencé la décision d'édifier le Ker Oman au Sultanat d'Oman :

Capacité accrue pour les navires de grande taille : Disposer d'une capacité supérieure permettra d'augmenter le volume de marchandises transportées, stimulant ainsi l'activité commerciale.

Proximité des zones industrielles et commerciales : Sa localisation stratégique simplifie les échanges internationaux, favorisant davantage de trafic et de connexions avec différents marchés mondiaux.

Installations modernes et avancées : Des technologies innovantes assurent la compétitivité du Ker Oman par rapport à ses voisins régionaux, améliorant son attrait pour les armateurs et les transitaires.

D'autre part, le Sultanat d'Oman aspire à dynamiser son économie, en particulier dans les industries de la navigation maritime et de l'industrie. Pour ce faire, le Ker Oman jouera un rôle essentiel en servant de plateforme logistique pour les projets de développement nationaux tels que la construction d'usines industrielles, de centrales thermoélectriques et de ports de pêche. Grâce à ces initiatives, l'infrastructure omanaise devrait générer des recettes substantielles, créer des opportunités d'emploi et favoriser le développement économique, conformément à la politique d'investissement stratégique du gouvernement.

En somme, le choix du Sultanat d'Oman repose sur une combinaison de facteurs géographiques, infrastructurels et politico-économiques, tous convergeant vers la volonté de stimuler la croissance et le rayonnement international du pays.

Étapes et processus de réalisation

La matérialisation du projet Ker Oman comprend plusieurs phases importantes :

Chronologie du projet

Automne 2019 : première visite officielle de représentants de la ville de Lorient au Sultanat d'Oman

Printemps 2020 : accord de principe conclu entre les deux parties pour la construction d'un port de pêche

Hiver 2020 : début effectif des travaux de construction

Fin 2023 : finalisation estimée des installations et inauguration du port de pêche

Implication des parties prenantes

Agences gouvernementales locales chargées de gérer le chantier

Entrepreneurs et investisseurs privés fournissant financement et expertise technique

Populations riveraines et professionnels du milieu de la pêche susceptibles d'être affectés par la nouvelle structure

Défis logistiques et techniques

Adaptation de l'infrastructure nécessaire au fonctionnement optimal du port (routes, ponts, équipements de stockage...)

Collaboration fructueuse avec les pêcheurs locaux et intégration de leur savoir-faire traditionnel

Respect des normes environnementales lors des opérations de construction et d'exploitation, limitant ainsi les dommages collatéraux sur les écosystèmes marins.

Bilan carbone désastreux de l'envoi par avion réfrigéré de poissons du Sultanat d'Oman vers la criée de Lorient

Une préoccupation majeure entourant ce projet est l'impact environnemental colossal associé au transport de poissons par avion réfrigéré depuis le Sultanat d'Oman jusqu'à la criée de Lorient. Les distances parcourues, les procédures de conditionnement et de maintien de la chaîne du froid contribuent collectivement à une empreinte carbone extrêmement nuisible.

Damien Girard, conseiller municipal et conseiller communautaire de Lorient Agglomération, calcule que l'empreinte carbone d'un poisson expédié d'Oman est dix fois supérieure à celle capturée localement. Ce constat alarmant suscite l'indignation des écologistes et des pêcheurs locaux, qui jugent absurde de traverser la moitié du globe pour obtenir du poisson alors que des variétés similaires existent déjà dans les eaux européennes.

Les alternatives de transport maritime traditionnel, bien que légèrement plus longues, présentent des avantages écologiques manifestes et devraient être sérieusement envisagées. Alors que les négociations et les décisions continuent de prendre forme autour de ce projet, la conscience environnementale doit primer pour assurer un avenir viable et durable pour l'industrie halieutique et la planète.

Financement d'un projet à Oman par des élus bretons malgré la réduction de la flotte de bateaux en Bretagne

Alors que la filière pêche bretonne subit une diminution de sa flotte de bateaux, les élus bretons ont surpris en injectant des fonds dans un projet situé loin de leurs frontières : la construction d'un port de pêche dans le Sultanat d'Oman, baptisé Ker Oman. Ce paradoxe pose la question de savoir pourquoi les enjeux financiers semblent avoir pris le pas sur les enjeux écologiques, provoquant confusion et frustration chez les professionnels de la pêche locale.

Cette décision contraste fortement avec la tendance observée dans la région, où les pouvoirs publics tentent généralement de soutenir le secteur halieutique et de lui permettre de relever les défis posés par la durabilité et la protection de l'environnement. Face à cette contradiction flagrante, les citoyens et les associations environnementales demandent des comptes aux décideurs politiques et exhortent ceux-ci à clarifier leurs priorités en matière d'allocation budgétaire.

Les montants investis dans le projet Ker Oman auraient pu être utilisés pour accompagner la modernisation de la flotte bretonne et soutenir les professionnels touchés par la réduction des licences de pêche. Au lieu de cela, ils profitent à un port de pêche lointain, dont les retombées positives pour la Bretagne paraissent encore hypothétiques.

Face à cette situation, il devient impératif de rouvrir le dialogue entre les acteurs locaux et les instances dirigeantes pour trouver un juste équilibre entre les impératifs économiques et écologiques. Seuls des compromis intelligents et inclusifs permettront d'asseoir les bases d'une industrie halieutique durable et prospère, capable de satisfaire les besoins des générations actuelles et futures.

La criée de Lorient est une SEM (société d'économie mixte)

Pourquoi les élus bretons financent-ils un projet à Oman alors qu'au même moment la filière pêche bretonne se voit imposer une réduction de sa flotte de bateaux? Pourquoi les enjeux financiers l'emportent-ils sur les enjeux écologiques?

Comme exposé ci-dessus, le financement d'un tel projet à Oman par des élus bretons pendant que la filière pêche locale est confrontée à des difficultés engendre une vague de sentiments mitigés. Les intervenants locaux et les associations écologistes s'interrogent sur les priorités budgétaires, invitant les décideurs à rendre compte de leurs décisions.

Des investissements mieux dirigés vers la modernisation de la flotte bretonne et le soutien aux professionnels impactés par la réduction des permis de pêche auraient probablement été plus judicieux. Plutôt que de miser sur les retombées hypothétiques du projet Ker Oman, les capitaux mobilisés auraient pu porter des fruits immédiats pour la Bretagne et son industrie halieutique.

Compte tenu de ce constat, il est urgent de relancer le dialogue entre les parties prenantes et les instances dirigeantes, afin d'instaurer un équilibre approprié entre les exigences économiques et écologiques. Seules des solutions concertées et ingénieuses garantiront un avenir radieux pour une industrie de la pêche durable et productive, capable de combler les attentes des générations actuelles et futures.

La criée de Lorient perd des places au classement des criées françaises. Mais doit-elle chercher à maintenir sa position au détriment de la planète ?

Actuellement, la criée de Lorient occupe la troisième place au rang national, après avoir glissé d'une position par rapport à l'année précédente. Comme le relate Le Télégramme, cette baisse s'explique par une diminution des volumes de débarquements (-11%) et des ventes (-12%). Si cette tendance se confirme, la criée risque de descendre plus bas dans le classement.

Néanmoins, cette course au classement doit-elle se faire sans considération pour l'impact environnemental ? À une époque où la durabilité et la lutte contre le changement climatique sont devenues des priorités mondiales, il convient de remettre en question les pratiques passées.

Certains signes indiquent que la criée de Lorient commence à reconnaître l'importance de ces enjeux. Elle s'efforce de promouvoir des pratiques plus respectueuses de l'environnement, comme la certification MSC (Marine Stewardship Council) pour les produits de la pêche durable.

Cependant, il reste encore beaucoup à accomplir pour assurer un avenir durable au secteur de la pêche à Lorient. Chercher à regagner des positions dans le classement national ne doit pas se faire au détriment de la planète. Il est crucial de trouver un équilibre entre les performances économiques et la préservation de l'environnement.

Sources :

https://www.letelegramme.fr/morbihan/lorient-56100/chute-des-tonnages-la-criee-de-lorient-retrograde-au-troisieme-rang-francais-6521532.php

https://www.msc.org/